Des changements probables à venir et beaucoup de questions.
Suite aux états généraux de l’alimentation en décembre 2017, l’Assemblée nationale vient de voter en première lecture le projet de loi « EGALIM » : loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable.
Les objectifs recherchés sont multiples : assurer la souveraineté alimentaire de la France ; promouvoir des choix alimentaires pour la santé et respectueux de l’environnement ; réduire les inégalités d’accès à une alimentation durable et de qualité. Projet ambitieux dans ses objectifs mais qui suscite de vives réactions au final : les paysans sont partagés entre espoir et inquiétudes ; des associations environnementales dénoncent le manque d’ambition de la loi (report de l’interdiction du glyphosate) ; des consommateurs-citoyens restent interrogatifs sur l’efficacité des mesures annoncées par rapport aux conclusions des états généraux de l’alimentation…
Le texte s’attaque à des sujets très variés à la fois économiques (revenu des agriculteurs, guerre des prix, relations commerciales) et sociétaux (utilisation raisonnée des phytos, poids de la bio dans l’alimentation collective, bien-être animal). En termes de relations commerciales, l’évolution principale est actée dans les 3 premiers articles de la loi qui visent à inverser le processus de fixation des prix payés aux agriculteurs en s’appuyant sur les coûts de production (émanant d’indicateurs diffusés par les interprofessions secondées par l’Observatoire de la formation des prix et des marges et France Agrimer ) et par la contractualisation. Est-ce suffisant pour inverser le rapport de force entre agriculteurs et industriels, entre agriculteurs et distributeurs ? Inévitablement la loi introduit des contraintes supplémentaires comme la séparation des activités de vente et de conseil sur les phytos, ou la suppression des remises, rabais et ristournes sur ces produits. Ne faudrait-il pas se doter de moyens supplémentaires pour accompagner et former les exploitants dans une transition agro-écologique majeure ?
En ce qui concerne la PAC, la Commission européenne présente son projet de réforme pour les dix ans à venir comme « Une politique agricole commune plus moderne, plus souple, plus efficace, plus écologique ». Sur le papier l’ambition est alléchante mais dans les faits, la situation est beaucoup plus complexe : budget en baisse de 15 % ; suppression du paiement vert en tant que paiement isolé bien identifié pour mettre sur pied une nouvelle conditionnalité des aides ; donner davantage de pouvoirs aux Etats membres (même si les objectifs restent définis au niveau de l’UE) ; plafonnement limité des aides ;…
Ce projet de la PAC post 2020 suscite de légitimes interrogations : la volonté de simplifier la PAC ne s’appliquera-t-elle pas uniquement à la Commission européenne par son désengagement au profit des Etats membres ? Quelles seront les conséquences économiques réelles sur les exploitations de la réduction du budget de la PAC ? La souveraineté et la sécurité alimentaire à l’échelle européenne comme nationale seront-elles assurées à long terme avec ce projet de la commission ? Sans opposer les modèles agricoles, cette vision de la PAC post 2020 permettra-t-elle de limiter notre empreinte sur l’environnement pour les générations futures ?
Ces nouvelles législations auront des influences sur la gestion de nos exploitations agricoles et sur les choix stratégiques que nous ferons en tant que paysan.
Le Bureau