Le 31 mars 2015, les quotas laitiers se sont éteints après trente et une années de fonctionnement. Avec eux disparaît un des derniers outils majeurs de la gestion des marchés européens. C’est la fin d’une forme de sécurité pour les éleveurs européens. Place à la libéralisation. L’incertitude règne face à un marché mondial extrêmement volatil. Une mesure de politique agricole qui va bouleverser l’activité de milliers de producteurs de lait. Elle pousse à l’agrandissement des exploitations et accentuera la disparition de nombre d’entre elles.
Garantir les prix, éviter la surproduction, ce sont les raisons qui ont poussé en 1984 la politique agricole commune (PAC) à mettre en place les quotas laitiers. L’objectif était de réguler l’offre pour éviter une envolée, ou à l’inverse, un effondrement des prix du lait. Il y a trente ans, la France a fait le choix de préserver la ressource laitière partout sur le territoire, y compris dans des régions dont le manque de rentabilité a pu être stigmatisé par les tenants du libéralisme. En 2003, la fin des quotas fut annoncée à l’horizon 2015. Pourquoi changer de système ? Parce qu’il était jugé trop coûteux et contraire à la concurrence pure et parfaite du marché !
Depuis dix ans, l’évolution est à l’accroissement des effectifs : entre 2000 et 2010, 30 % d’exploitations en moins, avec des troupeaux qui ont augmenté de 30 %. Si la tendance va à l’agrandissement, qu’adviendra-t-il des petites structures ? Les unes grossiront, d’autres s’engageront dans la voie de la valorisation avec une production de qualité à travers le bio et/ou la transformation distribuée par des circuits courts. Et les autres ?
Produire plus signifie plus d’investissements, de charges, de travail. Entre endettement et dégradation des conditions de travail, ne faut-il pas être inquiet ? Les agriculteurs représentent une des catégories professionnelles la plus exposée au burn-out et au suicide.
Sous l’ère des quotas, l’autorité publique régulait le volume de production. Désormais, les entreprises auront la main sur le volume, ce qui rebat également les cartes, avec les négociations de contrats prévues l’an prochain, pour les cinq années suivantes, entre producteurs de lait et collecteurs, coopératives et entreprises privées.
La grande question est de savoir quelles sont les aptitudes de chacun à adapter sa production, une fois libéré du plafond des quotas. Avec quelles conséquences pour le modèle français ? A quelles conditions la diversité et les spécialités régionales peuvent-elles se maintenir une fois le pays engagé dans une course à la concurrence mondiale ? Les investissements qui se multiplient partout en Europe dans des tours de séchage du lait, dont les ambitions sont souvent de servir un marché chinois aujourd’hui très demandeur, seront-ils payants sur le long terme ?